Le concept de développement durable est un concept récent qui a vu son émergence et sa diffusion internationale ces quatre dernières décennies. Dans les années 1970 des experts et expertes ont identifié et alerté les gouvernements et institutions internationales sur les effets et impacts environnementaux du modèle de croissance économique dominant tels que la pollution et l’épuisement des ressources naturelles.
Au cours des années 1980, l’aspect mondial de cette problématique a été démontré , entraînant une prise de conscience collective de la nécessité d’agir de manière globale pour prévenir et faire face aux effets des pollutions dépassant les frontières étatiques.
Le rapport Notre avenir à tous, communément appelé rapport Brundtland, publié en 1987, utilise pour la première fois le terme de développement durable et en propose la définition suivante :
« (…) mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs »
A partir de la, le concept de développement durable sera la pierre angulaire des différents sommets, protocoles et traités mis en œuvre aux niveau national et international jusqu’à la 21ème Conférence des parties sur le changement climatique à Paris et à l’adoption du programme de développement durable , composé de 17 Objectifs de Développement Durable (ODD), par les Nations Unies en 2015.
Si le développement durable est majoritairement soutenu et promu au sein des organisations internationales et de la plupart des gouvernements, des critiques s’élèvent pour pointer ses limites et ses danger notamment portées par des experts et expertes mais aussi par des mouvants militants qui cherchent à promouvoir des modèles alternatifs au développement durable.
Le développement durable est devenu un programme, un modèle de gestion et de développement politique, social et économique. Ce modèle est fondé sur la croissance en tant que finalité poursuivie, ou à poursuivre, par les sociétés. Ors de nombreux experts, expertes et organisations pointent la croissance comme une des raisons principales ayant conduit à l’épuisement des ressources naturelles, de la biodiversité et à la pollution et ses impacts écologiques. Le philosophe Dominique Bourg, pointe une incompatibilité fondamentale entre un développement durable basé sur l’idée de la possibilité d’un développement sans fin et une réalité constituée d’une «cascade de finitudes»1 et milite pour une philosophie de la durabilité. Ce chercheur dénonce l’idéologie du développement durable et pense que la technologie ne permettra pas une véritable durabilité sans des politiques publics et des mesures fortes réduisant les « flux de matière et d’énergie». Il s’agirait donc, pour assurer une véritable durabilité, de s’assurer d’une prospérité sans croissance2 voire, comme le plaide certains mouvements, d’une décroissance.
Le modèle d’un développement durable prend la forme d’un équilibre entre trois sphères ou axes de développement, la sphères économique, environnementale et social, et la recherche d’un équilibre entre ces trois sphères. Certains acteurs et certaines actrices dénoncent cette égalité entre les trois sphères et contestent la possibilité même d’un développement égal de ces trois sphères, le système économique capitaliste dominant étant par nature un système de prédation qui tend à dominer les autres sphères et à les soumettre à ses propres fins.
Enfin, le caractère hégémonique du modèle du développement durable suscite également des questionnements légitimes. En effet, ce modèle est porteur d’une vision de la société ou des sociétés très spécifiques et est porteur d’une idéologie politique parfois invisibilisée sous des apparences scientifiques ou techniques. Si l’écologie est une science, le développement durable est bien un modèle politique et économique spécifique qui s’appuie sur le fait que « le développement économique va résoudre les problèmes sociaux et environnementaux, à condition qu’un nouvel ordre mondial impose des règles, fondées sur le libre marché »3. Il semble donc important que ce modèle soit discuté,, critiqué et débattu de manière démocratique par les populations et au sein des structures de prise de décision publiques.
Si la majorité des experts et expertes scientifiques et les mouvements de la société civile se rejoignent sur l’importance de travailler à un ou des modèles de société durables, de nombreuses voix tentent de faire connaître d’autres modèles alternatifs de développement afin de rendre possible un véritable processus de choix démocratique.
Est ce qu’un modèle fondé sur la décroissance ou des modèles de développement autonomes propres aux caractéristiques humaines, environnementales et sociales de chaque communauté ne seraient-ils pas plus adaptés pour garantir une véritable durabilité des sociétés dans un monde de finitudes ?
Ces questions n’ont pas de réponses faciles mais il semble nécessaire d’y travailler chacun et chacune à son échelle par des recherches, des expérimentations et du débat pour ne pas céder trop facilement à une pensée standardisée et continuer à recherche un ou des modèles permettant de répondre à nos besoins tout en garantissant la capacité des générations futures de répondre aux leurs.
1TRANSITION ÉCOLOGIQUE, PLUTÔT QUE DÉVELOPPEMENT DURABLE- Entretien avec Dominique Bourg, Victoires éditions | « Vraiment durable », 2012/1 n° 1 | pages 77 à 96- https://www.cairn.info/revue-vraiment-durable-2012-1-page-77.htm
2Tim Jackson
3Christine Partoune, Michel Ericx, « Le développement durable – analyse critique », in “Diversité culturelle”, répertoire d’outils créés par les formateurs de l’Institut d’Eco-Pédagogie (IEP), actualisé en septembre 2011
URL : http://www.institut-eco-pedagogie.be/spip/?article59